Dans un esprit critique, voici un extrait d’un texte de Jean Michel Beaudet, ethnomusicologue, écrit il y 10 ans, à l’occasion, déjà , des journées du patrimoine, et qui, très justement, (re)met en question une certaine idée du patrimoine:
« Alors, je pense que nous serions tous d’accord sur ce point :
Patrimoine et créativité ne sont pas incompatibles,
Patrimoine et créativité sont tout à fait compatibles,
(patrimoine ou matrimoine)
D’un autre côté, créatif et contemporain ne sont pas synonymes.
Création, créatif, créativité, je ne connais pas l’histoire de ces mots en Occident en particulier (« création », vers 1200, « créativité » 1946). Je ne sais pas à quelle période de l’histoire de l’Europe ils sont devenus des termes valorisés (je dirais comme ça, à vue de nez, à l’époque des Lumières : 18è siècle.)
Chez nos amis wayãpi de l’Oyapock, il n’y a pas de création reconnue, il n’y a pas de fiction : un homme qui tresse un panier en vannerie, avec le motif de la tourterelle n’a inventé ni l’art de la vannerie en général, ni la forme de ce panier, ni ce motif dit de la tourterelle, ni le roseau ulu pour faire la vannerie, ni l’oiseau tourterelle même. Lorsqu’il tresse, il se situe dans un processus multiple de reproduction, il n’invente rien, il ne crée rien, mais il produit un objet unique, regardé comme tel par ses pairs et par sa femme, pour qui il a fait ce panier.
Lorsqu’un homme danse, fait de la musique, il n’invente rien, il ne crée rien, mais il reproduit une forme, un répertoire, et produit un objet unique perçu comme tel par tous ses parents, les habitants de sa vallée.
Je reste dans une critique des Lumières avec Lavoisier et sa loi célèbre : ‘Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme.’